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La bouquinerie aux deux colombes
3 mars 2011

Le malentendu

le-malentendu

 

Albert Camus

Éditions Gallimard

2002

161 pages


Cette pièce de théâtre a été inspiré à Camus par une nouvelle dans un journal. Une femme et sa fille possédant une auberge en Tchécoslovaquie se suicident après avoir mis à mort un client pour lui prendre son argent. Elles découvrent après le meurtre que ce client est le fils/frère qui avait quitté le domicile familiale il y a de nombreuses années et qu’elles n’avaient pas reconnues.

Dans la version de Camus, ces deux femmes sont des meurtrières aguerries. Leurs coeurs est durs comme la pierre et le meurtre de Jan n’est pas leur premier. Mais pourquoi Jan s’est-il retrouvé dans cette auberge ? Parti vingt ans plus tôt de ce village miséreux, Jan a réussit a faire fortune, mais lorsqu’il apprend le décès de son père, il se dit qu’il est temps qu’il vienne aidé sa mère et sa soeur. Il se présente au village avec sa femme, mais voyant que les deux femmes ne le reconnaissent pas, il demande à Maria (sa femme) de rester dans un autre hôtel pour la nuit, car il désire faire une << surprise >> à sa famille.  En fait, il désire trouver les mots justes. Il veut leur apporter sa fortune, mais il ne sait pas comment le faire et c’est cette hésitation qui le tuera.

4etdemi

Il s’agit de mon tout premier Camus que j’ai été pioché dans les livres d’école de mon chum. J’ignorais même qu’il s’agissait d’une pièce de théâtre (ah la honte !Embarrassé) alors se fut une agréable surprise pour moi qui les adore ! Si j’ai trouvé que le personnage de Jan était un sombre crétin égoïste qui repousse sa femme pour une stupide farce/faiblesse, Martha et sa mère sont, elles, beaucoup plus intéressantes. Bon, vous me direz que côté égoïsme, elles ne sont même pas comparable à Jan, qu’il n’y a pas pire égoïsme que celui de tuer pour pouvoir se payer une place près de la mer. Pourtant, à mes yeux leur égoïsme est quelque peu justifiable (non pas leur meurtre), car toutes leurs vies, elles ont travaillés dans cette auberge terne, dans ce village terne et ce pays terne. Elles n’ont jamais connu l’amour. Martha n’a même jamais vécu sa jeunesse. Leur coeur ne ressent plus rien si ce n’est que la lassitude. Elles ont été psychologiquement usées jusqu’au bout. Spécialement, Martha dont le jeune âge lui a fait préserver son coeur de pierre contrairement à sa mère qui vieillit et faiblit.

MARTHA

Pourquoi ? Rien ne vous empêche de prendre le langage des clients.

JAN

Quel est ce langage ?

MARTHA

La plupart nous parlaient de tout, de leurs voyages ou de politique, sauf de nous-mêmes. C’est ce que nous demandons. Il est même arrivé que certains nous aient parlé de leur propre vie et de ce qu’ils étaient. Cela était dans l’ordre. Après tout, parmi les devoirs pour lesquels nous sommes payées, entre celui d’écouter. Mais, bien entendu, le prix de pension ne peut pas comprendre l’obligation pour l’hôtelier de répondre aux questions. Ma mère le fait quelque fait par indifférence, moi, je m’y refuse par principe. Si vous avez bien compris cela, non seulement nous serons d’accord, mais vous vous apercevrez que vous avez encore beaucoup de choses à nous dire et vous découvrirez qu’il y a du plaisir, quelque fois, à être écouté quand on parle de soi-même.

JAN

Malheureusement, je ne saurai pas très bien parler de moi-même. Mais, après tout, cela n’est pas utile. Si je en fais qu’un cours séjour, vous n’aurez pas à me connaître. Et si je reste longtemps, vous aurez tout le loisir, sans que je parle, de savoir qui je suis.

MARTHA

J’espère seulement que vous ne me garderez pas une rancune inutile de de que je viens de dire. J’ai toujours trouvé inutile de l’avantage à montrer les choses telles qu’elles sont, et je ne pouvais vous laisser continuer sur un ton qui, pour finir, aurait gâté nos rapports. Ce que je dis est raisonnable, Puisque, avant ce jour, il n’y avait rien de commun entre nous, il n’y a vraiment aucune raison pour que, tout d’un coup, nous nous trouvions une intimité.

JAN

Je vous ai déjà pardonné. Je sais, en effet, que l’intimité ne s’improvise pas. Il faut y mettre du temps. Si, maintenant, tout vous semble clair entre nous, il faut bien que je m’en réjouisse.

p. 67-68

Je suppose que je n’ai pas besoin, suite à cet extrait, de vous mentionner la plume délicieuse d’Albert Camus. J’en ai franchement été étonné. Il met des mots durs et froids dans la bouche de ces femmes, mais il manie si bien les lignes qu’ils nous semblent d’une pure beauté. C’est principalement pour cette raison que j’ai énormément apprécié cette pièce. En fait, c’est principalement pour cette raison que nous aimons le théâtre, car la beauté des mots y est presque toujours omniprésente. Albert Camus sait même nous faire passer pour légitime ce désir si égoïste de Martha de se retrouver sur la plage, encore belle, a vivre ce que les autres ont tous vécu, mais qui lui était défendu : l’amour. Notons que, suite à cet extrait, on se rend vite compte qu’une grosse partie du problème vient d’elles-mêmes. Si la mère ne s’était pas si vite détourner de l’amour que l’on donne à ses enfants, si Martha ne s’était pas refusé à entretenir des relations << moins professionnels >> avec ses clients de l’auberge, peut-être qu’elles auraient quitté l’endroit plus tôt.

Malgré tout, je dois avouer que la faiblesse de cette pièce réside dans l’acte II. C’est dans cette partie du récit que l’on voit les deux femmes << jongler >> avec leur confiance, car l’une est trop vieille et fatiguée pour tuer encore et l’autre veut absolument sa plage. Lorsque l’on sait comment ça va finir, disons que ça ennui quelque peu tout cela. Malgré tout, cette pièce reste l’une des meilleures que j’ai lu, mais elle est très sombre. Le destin de Maria m’inquiète même, mais vous le verrez vous même si vous le lisez. On dirait que, face à ces choses tragiques qui font la vie, il n’y a d’autre chemin que le désespoir, ce qui est totalement faux, mais bon …nécrophile-(fashion)

Tous-au-théâtre-(Leiloona)

                                 Lu dans le cadre du défi

Tous au théâtre ! de Leiloona

et du défi 

Challenge Nécrophilede Fashion

                                           catégorie mort particulière : accident de voiture

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Commentaires
G
@ Constance : Oui, c'est vrai cela ressemble beaucoup à Oedipe. Mais c'est avant tout titré d'un fait véridique.
C
A lire ton résumé, ce Camus a tout d'une tragédie grecque.
G
@ Kikine : Ah oui, je connais cette torture même si le secondaire m'a fait découvrir aussi des merveilles comme Guillaume Vigneault <3 Mais tu devrais essayer de nouveau même si c'est dur de se débarasser de nos anciens préjugés.
K
Malheureusement, Camus évoque chez moi la torture des lectures du secondaire avec une prof de français pathétique. J'avais détesté ma lecture de "La peste". Peut-être serait-il temps que j'essaye de relire Camus sans préjugés
G
@Edelwe : Oui, effectivement elle est magnifique !
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