L'adversaire
Gallimard
219 pages
Étrangement, même si ce livre a été publié il y a déjà un certain temps (6 ans tout de même) il y a eu comme un regain d’intérêt général envers lui, c’est à se demander pourquoi. Peut-être est-ce lié à notre amour des biographies, dont le contenu nous révélait des scandales jusqu’ici inconnu et qui ont tellement fait mouche chez les médias et le public ces derniers temps. Si ces scandales nous ont plu, alors il n’est pas difficile de penser que l’histoire de mensonge que Jean-Claude Romand s’était tissé autour de lui, plaira tout autant.
Jean-Claude Romand est un grand médecin qui travaille à l’Organisation mondiale de la santé et qui tient bien d’autre postes tous aussi prestigieux, c’est un homme marié avec deux enfants, au caractère, disons-le plutôt mou. Mais voilà qu’un jour, un incendie est déclaré dans sa belle et grande maison, dans son beau et riche quartier d’un coin quelconque de France (je ne suis pas Française, pardonnez-moi), de ce désastre ne survit que Romand. Toute sa famille est décimée. Alors que tous pleurent à chaudes larmes et que l’on prie pour que Jean-Claude ne se réveille jamais, l’on découvre les parents de celui-ci assassiné.
L’histoire commence là et ce que l’on apprend ensuite est encore plus étonnant. L’on tend à croire que c’est Jean-Claude qui a tué sa famille, personne ne veut y croire, mais voilà que l’on découvre qu’il ne travaille pas à l’OMS … et en plus, que le brave médecin n’est même pas médecin ! Il n’aurait jamais passé ses examens ! Ce qui est décrit ensuite est une longue vie de mensonges, fondée sur du vent, il n’y avait en Jean-Claude Romand rien de vrai, tout ce qui l’entourait était faux. L’argent qu’il avait pour mener sa vie de millionnaire, il la volait aux personnes autour de lui et qui avait confiance en ce très cher Romand, la fierté de toute sa famille ! Ce livre raconte donc comment Carrère, l’auteur, décida d’écrire sur Romand, l’assassin avec plein de petits détails bien croustillants ! Mais ce qu’il y a de plus effrayant là-dedans c’est que … tout est vrai !!
Commentaires
Moi qui me sentais si mal ces derniers temps parce que je ne trouvais aucun livre bon. Et bien si celui-ci ne rentrera pas dans mes classiques, il est assuré que je vais sûrement le relire et le conseiller à beaucoup de gens. Ce n’est pas autant le style de l’auteur qui m’a plu que le contenu en réalité, l’idée qu’un homme puisse s’inventer une vie et la vivre ! Je veux dire, se dire riche et vivre comme tel alors qu’il n’a pas un sou en poche, toujours vivre sur la corde raide, étendre son mensonge jusqu’à y produire deux petites vies sous l’aspect de deux enfants que Romand a assassiné c’est … éberluant ! Comment peut-on faire ça à notre époque ? Comment ne peut-on pas ne serait-ce que désirer visiter l’endroit où travaille son mari ? Ou simplement comment se fait-il qu’avec un compte conjoint jamais Mme Romand n’a vérifié son argent et remarqué que seulement elle faisait des entrées de fonds ? Tout cela me fait tomber en bas de ma chaise ! C’est un peu comme si Jean-Claude était si emmerdant que l’on ne voulais pas aller voir plus loin que sa petite histoire, un peu comme si tu disais à ton mari << vis ta vie, conte moi là, mais je suis pas plus curieuse que cela sinon. Reste de ton bord, je reste du mien >>. Épeurant.
Mais ce qui m’a plu c’était de voir comment Emmanuel Carrère se sentait dans toute cette histoire, car il parle quelque peu de son opinion face à cette histoire (sans trop en mettre), il parle des raisons qui l’ont poussé à contacter Romand, sa conversation avec le prisonnier, mais aussi avec ses anciens amis et les gens dont le travail était de visiter les personnes incarcérées et qui adoraient cet homme. J’aime bien la façon de penser de Carrère qui garde une certaine distance vis-à-vis l’amour inconditionnel que certain ressente pour cet assassin qui s’est repentie. Personnellement, je trouve qu’il n’y a qu’un mot pour décrire Jean-Claude Romand : c’est un lâche. Dès son premier mensonge il a réagi comme un lâche incapable de faire face à la vie, de prendre ses responsabilités, de comprendre que tout n’est jamais perdu qu’on peut se rattraper ou au contraire, que parfois lâcher le morceau ce serait bien. Je ne considère pas que cet homme soit simplement la pauvre victime de hasards qui l’aurait poussé à dire tant de mensonge, je crois que tout part de lui et doit être considéré comme tel, c’est sa faiblesse d’esprit qui l’a mené une quinzaine d’année plus tard a tué toute sa famille parce que le poids de sa vie de fausseté était trop lourd et qu’il ne pouvait la partager. Je comprends que rendu à ce stade l’on puisse se sentir pris en souricière, mais la question c’est simplement : << comment a-t-il pu permettre que tout cela dégénère à ce point ? >> Quoiqu’il en soit, j’ai beaucoup apprécié ce livre et je vous le conseille.
Autres livres de l'auteur :
- Un roman russe (2007)
- La classe de neige (1995) Prix Femina
- Hors d'atteinte (1988) Prix Kléber Haedens 1988
- La moustache (1986)
- Bravoure (1984) Prix Passion 1984, Prix de la Vocation 1985
- L'amie du jaguar (1983)