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La bouquinerie aux deux colombes
3 avril 2011

Une femme

une-femme

 

Annie Ernaux

 Éditions Gallimard

 94 pages

 1987

 

 

<< Elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer et elle avait, comme on dit << l’âge de mourir >>. Mais pour une fille, un fils, cet âge n’existe pas, et perdre sa mère c’est ne plus être, jamais, l’enfant de quelqu’un dans le monde. J’ai entrepris d’écrire pour supporter cela, et aussi parce que ce livre était une chose, la seule, que je pouvais encore faire pour elle. << IV

La tombe de la mère d’Annie Ernaux est encore fraîche lorsque l’auteure commence ce récit. Cette biographique, mais qui contient beaucoup de l’histoire de l’auteure même, raconte la vie de cette mère qui, toute son existence, aura voulu bien paraitre et aura eu le complexe du milieu pauvre et ouvrier dont elle venait. Mais ce qui nous accroche surtout c’est cette force qui la caractérise et qui l’aura poussé grâce à sa détermination et à son travail acharné dans une position plus aisée. L’on sent tout le long de notre lecture ce désir profond qu’elle a de vouloir voir sa fille s’en sortir.

Bien entendu, si devant les clients de son café elle sourit et parle gaiement, en arrière boutique il est difficile de la voir décrisper ses traits et l’auteure se rappelle un vide immense entre elle et sa mère qui ne pourra pas être comblé même lors de sa maladie. En fait, ce livre est né de cela, de la longue chute aux enfers d’une femme qui aime profondément sa mère souffrant d’Alzheimer.  C’est au lendemain de son décès que l’auteure commence se récit afin d’apaiser sa peine, d’accepter son deuil, mais aussi de faire vivre dans nos mémoires le visage de sa mère.

3etdemi

J’ai découvert ce livre alors que je faisais le ménage dans ma bibliothèque (on parle ici de replacer les livres sur mes étagères et non pas de s’en départir, faut pas être fou tout de même Clignement d'œil) et entre lui et moi, il y a eu comme un appel. Cette femme, maintenant orpheline qui raconte la mort de sa mère, ça me ressemblait trop, il fallait que je le lise. Bien entendu, on ne peut parler de la mort sans parler de la vie.

J’ai pris beaucoup de plaisir à remonter dans le temps et à découvrir l’époque de cette femme dont on ne donne jamais le nom. C’était une vie bien plus simple alors, il me semble. Pour bien vivre il fallait bien se placer, en travaillant comme commis dans une boutique par exemple. Il fallait bien paraître et surtout éviter tout ragot contre soi. Il fallait être travaillante. Je crois que l’une des choses les plus difficiles était sûrement d’apprendre à être heureux, car Annie Ernaux nous avoue qu’une majorité de ses tantes ont développé des problèmes d’alcoolisme. On est alors, bien heureux que sa mère est évité une telle déchéance.

J’ai été prise au charme de l’écriture simple, mais puissante d’Annie Ernaux. Ses phrases sans fioritures présentes parfaitement le milieu ouvrier de sa mère et tout nous est si merveilleusement dessiné que l’on ne peut que pénétré dans ces pièces où l’auteure a vécut et poursuivre notre lecture à ses côtés. Sincèrement, je me suis sentie humble face à ce que l’écrivaine nous offrait. C’est une grande partie d’elle qu’elle nous montre, mais aussi de celle de la femme qu’elle aura tant aimé ! Je sais fort bien, suite à ma lecture, que tout n’a pas été toujours rose entre la mère et la fille, mais je retiens surtout l’admiration et l’amour inconditionnel de l’une pour l’autre. Même si la simplicité de l’écriture ne peut pas placer ce livre parmi les grands, J’ai été réellement touchée par lui. C’est un petit livre qui vous entrainera et que vous lirez à une vitesse folle.

<< Connaissant tous les gestes qui accommodent la pauvreté. Ce savoir, transmis de mère en fille pendant des siècles, s’arrête à moi qui n’en suis plus que l’archiviste. >> p.22

<< Je viens de lire dans un journal, << le désespoir est un luxe >>. Ce livre que j’ai le temps et le moyen d’écrire depuis que j’ai perdu ma mère est sans doute aussi du luxe. >> p.65

<< Sans doute, la maladie et la mort d’une mère sont des choses qui arrivent à tout le monde. Le travail, la place sociale, concernent chacun de nous. Est-il besoin de faire un livre de tout cela ? Je crois que la littérature ne consiste pas seulement à inventer des histoires extraordinaires, que sa fonction est aussi de tenter de dire et d’éclaircir la vie, celle qu’on mène, avec ses contradictions, ses désirs et ses douleurs, pour, peut-être, mieux la dominer. >> VI

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Commentaires
R
Un malade d'Alzheimer, une bibliothèque qui prend feu... A quand l'élixir de jouvence ?
G
@ Leiloona : Tu en as lu beaucoup de cette auteure ? Pour ma part, se fut un adon que je sois tombé dessus, mais je crois que c'est un de ses livres peut-être un peu moins connu.
L
Tiens, je ne l'ai pas lu celui-ci ! :)
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