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La bouquinerie aux deux colombes
20 décembre 2013

Elle et nous

Elle-et-nous

 

Michel Jean


Libre Expression


2012


237 pages

« Ma grand-mère parlait peu de ses origines innues. Pourtant, cette femme toujours vêtue et coiffée avec soin a vécu la vie des chasseurs et des trappeurs de la forêt boréale jusqu’à sa rencontre avec celui qui allait transformer son existence. Sa nombreuse famille réunie à l’occasion de ses funérailles ignore un large pan de son histoire. Jusqu’au nom qui lui fut donné par son père il y a un siècle : Shashuan Pileshish. »

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 Dans ce roman, Michel Jean redonne vie à sa grand-mère innue fille de chasseur nomade devenue citadine après avoir épousé un homme blanc. Pour les non-Québécois qui me lisent (heu, est-ce qu’il y en a encore ??) et qui ignorent l’horrible façon dont nous réglons le problème des Premières Nations (Hé oui ! il semblerait que les autochtones sont, aux yeux du Gouvernement Canadien, un problème) je vous explique grossièrement. Autrefois, lorsqu’une Amérindienne se mariait à l’extérieur de la réserve elle perdait sa nationalité indienne et était expulsé. Obligé de devenir blanche dans notre société qui ne fait que détester les Peaux Rouges. Hum, hum, excusez moi, je m’emballe. En tout cas, c’est ce qu’a vécu mon arrière-grand-mère et la grand-mère de Michel Jean. La pauvre Jeannette qui aimait tant la forêt, qui rêvait d’y vivre et d’y trapper comme son grand-père le lui avait apprit, la voilà éloigné de sa famille et de tout ce qu’elle a connu. Bien entendu, elle a son grand amour, Xavier, mais au moment où l’auteur lui donne voix elle est déjà vieille, centenaire, et elle a donc perdu beaucoup de personnes qui lui étaient chères … dont son mari.

Dans Elle et nous, l’auteur intercale les passages de Jeannette avec sa propre histoire et dans ces moments qui nous semble parfois anodin, il nous explique toute la difficulté, encore aujourd’hui, de vivre avec un bagage de Métis. Pas assez blanc pour les Autochtones des réserves et trop rouge pour les Blancs. Il nous révèle les embûches que le racisme a placé sur sa route lors des différents métiers qu’il a exercé. Si l’auteur ne semble pas si stigmatisé par les épreuves qu’il a vécu, Jeannette, elle, a vite appris à vivre avec deux identités en camouflant l’une afin de survivre dans le monde des Blancs. Que le petit-fils et la

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  grand-mère se partage le papier amène, comme vous l’aurez deviné, beaucoup de moment très intense en émotion. Si au tout début je n’étais pas sûre d’être bien disposé face à cette ambiance parfois lourde, je me suis vite adapté. D’ailleurs, l’auteur s’arrange pour alléger l’histoire avec des moments historiques qui nous dévoile le mode de vie défunt des Innus. On finit même par l’idéaliser en se disant qu’on devrait tous se remettre à vivre dans les bois et chasser pour se nourrir … Bon, je ne pense pas que je survivrais longtemps car il en fallait de l’endurance alors !!

Bon, rendu ici, c’est le moment où je me mets à critiquer mais bon, il le faut bien, sinon je ne serais pas juste. Je me demandais à quel point Michel Jean avait questionné sa grand-mère (ou reçu des réponses d’elle) afin d’écrire ce roman. Je sais bien que c’est SA grand-mère mais j’avais parfois l’impression qu’il se mettait mal dans sa peau. Il me faut dire un mot en privé à l’auteur … que je partage avec vous : « je ne crois pas que ta grand-mère t’en veut pour une histoire de devoir de français. Je ne pense pas que les mamans ou les grand-mamans soient très rancunières et encore plus quand elles sont Amérindiennes. » Voilà, c’est dit.

Bref, un roman émouvant qui ne peut que nous toucher. Le point de vue plus moderne de l’auteur nous permet de mieux comprendre le racisme encore très présent dans notre société. Une très belle découverte de lecture que je suggère beaucoup à ceux qui ne sont pas conscient de tout ce que les gens des Premières Nations ont vécu avec leur perte de territoire ... et les autres, bien sûr.

Extraits

« Nous appelons mes tantes et leur frère ainsi. La tribu. Car il y a quelque chose d’unique dans la façon qu’ils ont tous de se soutenir malgré leurs différends. De s’agripper les uns aux autres lorsque cela devient crucial. » p.28

« Elle était arrivée au terme de sa vie. Il faut l’accepter. Ça ne fais pas disparaître le chagrin pour autant. » p.29

« Sa peau usée était craquelée et couverte de taches brunes. Pourtant, ces mains étaient plus habiles que les miennes, toutes neuves. » p.119

« J’avais toujours eu l’impression que les Canadiens et les Innus vivaient dans deux mondes différents. D’une certaine manière, c’était vrai : nous la forêt, eux les champs. Mais en même temps je réalisais que la vie des hommes reste toujours un peu la même. Elle est une succession de petits gestes quotidiens, et la répartition des tâches à accomplir se fait en fonction des aptitudes de chacun. » p.194

Source de l’image :http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/region/images/saguenay.html 

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Commentaires
E
Il y a encore des non-Québécois sur ton blog! Petit message de la région de Marseille donc : ce roman me tentait beaucoup, mais je ne le trouve pas en France! Dommage, le sujet avait l'air très intéressant...
S
je te cite:<br /> <br /> '' Bref, un roman émouvant qui ne peut que nous toucher. Le point de vue plus moderne de l’auteur nous permet de mieux comprendre le racisme encore très présent dans notre société. Une très belle découverte de lecture que je suggère beaucoup à ceux qui ne sont pas conscient de tout ce que les gens des Premières Nations ont vécu avec leur perte de territoire ... et les autres, bien sûr.''<br /> <br /> <br /> <br /> Tout à fait et bravo pour ton commentaire très pertinent.
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